Referendum sur la Vision d’Emergence de Macky Sall
En ne démissionnant pas pour réduire son mandat afin de poursuivre le PSE, le Président Macky Sall nous a demandé s’il pouvait nous donner rendez-vous en 2017 et 2019 pour son évaluation, et nous avons dit OUI. Nous avons fait cette évaluation dans un rapport que nous venons de publier. Le Sénégal continue de faire face à un défi de développement économique et social qu’il n’arrive pas à relever depuis son indépendance malgré des institutions solides et stables, une démocratie avancée, des ressources naturelles et humaines de qualité, et une position géographique enviable. D’une tendance baissière pendant la décennie 2002-2012, la croissance a certes changé de trajectoire sous le Président Macky Sall et dans le contexte d’une dépréciation de l’euro, mais les sénégalais continuent de vivre les mêmes problèmes. Les forces sociales alliées à un état dirigiste ont produit un déficit de responsabilité, d’autonomie, et de développement endogène dans nos communautés. Cette tendance dirigiste et socialisante, le Président Macky Sall, par consensus avec les bailleurs qui n’ont pas approuvé le niveau du déficit budgétaire envisagé dans la première monture du PSE, s’est résigné à l’expérimenter sans les dérapages budgétaires des régimes précédents.
Heureusement pour lui, l’ajustement budgétaire qu’il est en train d’opérer intervient dans un contexte de faiblesse de l’euro, et de baisse des prix internationaux des produits pétroliers et des denrées alimentaires sans quoi le Sénégal serait plongé dans une récession. Les sénégalais ne profitent cependant pas pleinement de cette conjoncture favorable à cause de leur arrimage sur l’euro qui favorise les importations de l’Union Européenne, des prix des produits pétroliers maintenus élevés pour des objectifs budgétaires et sociaux financés par leurs taxes (solidarité forcée), et d’une place trop importante encore occupée par l’état dans ce contexte (déficit budgétaire encore élevé). Notre pouvoir d’achat devenu internationalement plus faible mais qui néanmoins continue de s’améliorer en FCFA aurait été une opportunité s’il pouvait être davantage orienté vers l’économie locale, mais malheureusement notre richesse en euro contribue à maintenir notre économie extravertie.
Il est temps pour le Sénégal de se donner une vision des politiques publiques ancrée dans les valeurs de liberté, d’autonomie et de responsabilité des citoyens pour leur développement endogène. Lorsque l’état choisit de ne pas répercuter la baisse des prix des produits pétroliers à la pompe et d’augmenter les impôts de fait, de s’endetter pour soutenir ses propres initiatives (fussent-elles pour le monde rural ou pour un secteur jugé prometteur), il fait un choix contre la liberté des citoyens. Lorsqu’une politique de change qui encourage la dépendance de l’extérieur et l’émigration est maintenue par l’état, devenant de fait un obstacle au développement endogène, il fait un choix contre la liberté et l’autonomie des citoyens. Lorsqu’une banque centrale régionale, loin du contrôle citoyen, appuie la trop de présence de l’état dans l’économie par son financement au détriment du privé tout en en tirant des revenus propres, nous faisons un choix contre la liberté des citoyens au profit de l’état et ses démembrements.
Des autorités publiques qui conduisent au destin commun de leurs concitoyens sont jugées principalement dans trois domaines interdépendants dans lesquels des échecs peuvent justifier une alternance et notre état a eu à faillir dans les trois domaines: (i) l’efficacité et l’efficience avec lesquelles elles gèrent les ressources publiques, c’est essentiellement un problème d’allocation et d’utilisation des ressources; (ii) La probité avec laquelle elles gèrent ces mêmes ressources, c’est essentiellement une question d’éthique; (iii) leur capacité à favoriser les conditions d’un développement économique qui contribue au bien être direct des populations, c’est essentiellement une question de vision du développement et de valeurs. Nos régimes successifs ont failli dans tous les trois domaines, il est temps que l’état fasse plus confiance aux populations elles-mêmes pour leur propre développement.
En effet, nous avons eu notre première alternance politique principalement à cause de la pauvreté dans un contexte de bonne tenue de nos finances publiques et d’une meilleure allocation des ressources après plusieurs années de socialisme. Nous avons eu notre deuxième alternance à cause d’une perception que la corruption, le népotisme, et les inégalités qu’ils nourrissent étaient la cause de la pauvreté relative des sénégalais pendant que le régime dilapidait nos marges budgétaires dans des réalisations visibles mais sans retombées sociales. La traque des biens mal acquis, l’amélioration de la gouvernance, et la lutte du Président Macky Sall contre la corruption dans un contexte de persistance de la pauvreté malgré les chiffres de la croissance démontrent que le véritable problème du Sénégal est ailleurs. L’investissement des ressources publiques dans l’agriculture ou les infrastructures produiront toujours des résultats visibles (augmentation d’une production particulière et construction d’ouvrages tangibles), les ressources publiques, y compris la dette, devant de toutes les façons être dépensées. Il est également normal que notre budget nominal augmente d’une année à l’autre et on ne devrait pas s’en glorifier car il n’a pas changé en pourcentage du PIB, recettes exceptionnelles provenant de la traque des biens mal acquis et recettes pétrolières exclues. Nous pouvons aussi débattre sur l’opportunité de certaines dépenses, des cas de corruption potentielle çà et là notamment sur le pétrole, et de fraude sur le processus électoral, mais ce débat restera essentiellement politicien. Notre problème est essentiellement un problème de valeurs et de vision pour l’émergence.
De ce point de vue, nous ne pourrons pas prétendre à l’émergence sans une réforme monétaire. Pour cela, il va falloir s’assurer que le niveau de notre monnaie est internationalement compétitif de sorte que la liquidité qui devrait pouvoir circuler dans l’économie y reste. Il est vrai qu’il faut exporter tout ce qui peut l’être en fonction des avantages comparatifs, mais le marché urbain proche dans un pays qui s’urbanise est le premier marché qu’il faut s’assurer de pouvoir capturer dans ce qui peut l’être. En effet, on peut davantage exporter des produits agricoles, mais notre problème n’est pas la sous exploitation de ce potentiel pour générer une demande solvable. L’utilisation des transferts des sénégalais de l’extérieur, (exportations déjà effectives et d’un poids presqu’aussi important que le secteur agricole essentiellement pour soutenir une bonne partie de nos importations, le prouve.
Nous avons plusieurs contraintes qui empêcheraient notre classe politique une fois consciente de la centralité de la réforme monétaire d’en faire l’enjeu principal de la compétition politique: (i) un abandon du FCFA nécessiterait le courage politique de demander que nos réserves de change ne soient plus au trésor français mais ailleurs (ii) un FCFA plus faible ou flottant pour accompagner une politique d’industrialisation efficace nécessiterait une dévaluation et des risques d’inflation (iii) la banque centrale impréparée à une flexibilisation du FCFA est loin du contrôle démocratique des populations et le statu quo ne la dérange pas (iv) la classe politique n’a pas de solution systémique à la question fondamentale de l’inclusion financière de 90% de la population au-delà des fonds d’appui à la microfinance (v) la population comprend mieux les allocations budgétaires et les questions d’éthique dans la gouvernance (vi) un discours d’autonomisation et de responsabilisation de la population pour qu’elle se prenne en charge elle-même dans un contexte de pauvreté générale sans dire le comment rendrait cette classe politique impertinente.
Est-il possible de bancariser toute la population en mobilisant son épargne sans toucher nos réserves de change qui sont la contrepartie de la monnaie qu’elles détiennent? Leur faciliter l’accès à la liquidité bancaire dans une monnaie compétitive sans dévaluer le FCFA? Avoir les mêmes résultats qu’une dévaluation du FCFA sans l’abandonner ? Sortir nos réserves de change du trésor français sans les dépenser? La réponse est OUI.
Pour comprendre, il faut d’abord savoir qu’il n’y a que trois sources d’injection d’argent dans une économie monétaire: (i) la banque centrale (ii) les banques commerciales (iii) et l’argent de l’extérieur (dettes, exportations, investissements) dont l’origine est également les deux premières sources dans ces pays. Dans notre cas, ni l’état, ni les banques commerciales n’arrivent à jouer ce rôle efficacement pour la majorité de la population. De ce fait, si une société fiduciaire sous supervision de l’état, représentant des populations et des entreprises qui auront acheté un moyen d’échange SEN (papier ou électronique), pouvait émettre, par effet de levier, ce même moyen d’échange sous forme de crédit en leur nom, le problème serait réglé.
En émettant ce moyen d’échange acheté ou obtenu à crédit à un taux de change plus faible (2 SEN pour 1 FCFA par exemple) et potentiellement flottant, ce moyen d’échange serait plus faible que le FCFA et pourrait ainsi favoriser la jonction entre les capacités locales sous-utilisées et les besoins locaux dans des conditions de stabilité des prix. Le FCFA serait dans ce schéma une unité de compte et une monnaie commune accompagnée dans chaque pays de l’équivalent du SEN comme monnaie nationale complémentaire et compétitive sous le contrôle de citoyens financièrement inclus. Nous monétiserons ainsi nos économies sans créer de nouvelles banques centrales et nous pourrons au besoin avoir une unité de compte commune dans le cadre de la CEDEAO pour gérer nos échanges sous-régionaux et à travers elle nos échanges internationaux. En effet, le modèle de monnaie unique de l’euro qui ne sert plus les besoins de ses propres membres au vu de leurs divergences structurelles n’est pas non plus adapté à nos économies.
Des expériences en cours dans le monde nous montrent que ce que nous disons est possible mais nos autorités monétaires l’ont refusé. Des pays asiatiques ont une initiative dite Chang Mai dans laquelle les pays participants ont chacun leur propre monnaie et mettent en commun une partie de leurs réserves de change. N’ayant pas une unité de compte commune et une banque centrale commune, chaque banque centrale mène la politique monétaire et de change qui convient à son économie. Nous avons la chance d’avoir une banque centrale commune, une unité de compte commune, et des réserves de change totalement centralisées mais nous n’avons pas de complément à ce système. C’est-à-dire, des monnaies nationales compétitives et des systèmes financiers nationaux au service des économies nationales, la majorité de nos populations étant hors circuit. Les expériences de monnaies complémentaires à travers le monde (WIR Bank, Berskshares, etc…), et l’expérience de l’Irlande et de l’Ecosse où la monnaie physique qui circule n’est visuellement pas la livre sterling, nous démontrent qu’on peut avoir une monnaie nationale complémentaire (papier et électronique) à côté d’une monnaie officielle en y ajoutant notre propre touche. A défaut, il faudra que chacun de nos pays suive l’exemple de l’Angleterre conserver sa propre monnaie pour accompagner l’émergence et le progrès social. Ce sera aux populations d’en décider.
Par ailleurs, le Sénégal n’a pas de marges budgétaires au niveau de l’état central alors que les besoins des populations en biens et services publics sont insatisfaits là où elles vivent d’où l’importance de les responsabiliser davantage par une véritable décentralisation. La décentralisation est d’autant plus importante dans ce contexte qu’elle permet de rapprocher le service public des usagers pour une plus grande efficacité d’action et une prise de conscience par les élus locaux et les populations elles-mêmes de leurs responsabilités respectives. En effet, le service public est à priori financé par les usagers eux-mêmes là où ils vivent dans les limites de leurs impôts locaux, de leurs capacités collectives d’endettement, et de la libre solidarité nationale de diverses communautés. Malheureusement, le déficit entre les possibilités locales de financement et les besoins des populations s’agrandit dans un contexte d’économies locales stagnantes, d’une urbanisation croissante, et d’une solidarité nationale et internationale essoufflées. Il faut de ce fait davantage autonomiser les territoires dans la définition de leurs politiques publiques et leur financement dans les limites d’une solidarité nationale raisonnable à définir. Il s’agira d’une décentralisation autonomisante qui dessaisit l’état central, plutôt qu’une territorialisation des politiques publiques d’un état qui déconcentre plus qu’il ne décentralise. L’autonomisation totale passera par la décentralisation et le développement local qui lui-même dépendra de la réforme monétaire.
C’est pour ces raisons que nous avons l’ambition de porter cette plateforme aux législatives de 2017 avec les forces sociales et politiques intéressées pour la contraster avec la vision du PSE. Il s’agira pour les populations et les élus locaux de s’approprier une charte d’un nouveau citoyen acteur politique ancré dans les valeurs de liberté, d’autonomie, de responsabilité, et de libre solidarité. Ce nouvel acteur sera conscient que l’état, le gouvernement, et les institutions publiques sont au service des citoyens, mais ne sont pas la solution première à leurs ambitions de développement et d’émergence. Cette émergence ne sera pas principalement le résultat planifié d’un pouvoir central ou local mais la résultante des efforts individuels et collectifs propres des communautés que les pouvoirs publics pourront appuyer et accompagner.
Dr. Abdourahmane SARR
Président CEFDEL/MRLD (Moom Sa Bopp ; Mënël Sa Bopp)
Rapport Disponible au lien suivant : http://www.sofadel.com/rapport-cefdel-senegal-2012-2015/