Résultats des Elections Locales: Opportunité à Saisir
A la veille des élections locales, nous disions qu’il était souhaitable que le vote du 29 juin soit le plus dispersé possible sans force politique dominante au niveau national pour favoriser une politique de décentralisation consensuelle. Les résultats des élections sont donc ceux que nous espérions. En plus d’un vote dispersé, les électeurs ont confirmé ou élu des personnalités politiques de premier plan et de camps différents dans les grandes villes et pôles régionaux du pays (Dakar, Saint-Louis-Fleuve, Thiès, Kaolack, Casamance). Ceci confirme une fois de plus que le Sénégal est prêt à réorganiser son territoire en pôles régionaux autonomes afin de responsabiliser les personnalités politiques dans une organisation de type fédéral. Ils devront mutualiser leurs forces dans les territoires qu’ils dominent déjà et ensuite se faire concurrence sur des résultats concrets qu’ils auront atteints chez eux avant de prétendre diriger le pays. Cependant, nous disions aussi qu’aucun maire n’avait les moyens de satisfaire les attentes des populations, l’état central non plus, car leurs économies ne marchent pas. Les pôles régionaux à créer non plus comme les régions d’antan n’auront pas les moyens de faire grand-chose. Ainsi, un travail de conception reste toujours à faire par ceux qui dirigent le Sénégal ou aspirent à le diriger pour créer les conditions d’autonomisation des pôles. Le CEFDEL a non seulement proposé un découpage des territoires sur la base de critères objectifs mais également suggéré les voies et moyens de financer ces pôles de façon autonome.
Le Président Macky Sall est au pouvoir depuis plus de 2 ans et le sentiment général est que le pays n’a pas beaucoup changé et les perspectives ne sont pas encore tout à fait claires malgré la communication sur le Plan Sénégal Emergent (PSE). En élisant le Président Macky Sall, les sénégalais ont opté dans une certaine mesure pour le changement dans la continuité avec l’un des anciens Premiers Ministres du Président Wade. Hormis le changement qu’ils ont réussi à obtenir, les espoirs des sénégalais de voir leurs conditions de vie connaitre un début d’amélioration ne se sont pas encore matérialisés. On peut donc considérer qu’ils ne sont pour le moment que partiellement déçus dans la mesure où enlever le Président Wade du pouvoir était leur principal objectif et non de choisir entre les programmes des candidats.
Le Président Macky Sall semble l’avoir compris en leur promettant une opportunité de réévaluer leur choix par la réduction de son mandat de 7 à 5 ans. Il a aussi très tôt abandonné son programme de campagne pour celui du «Plan Sénégal Emergent ». Il ne lui reste cependant plus que 2 ans avant l’ouverture de l’année pré-électorale 2016 pour enclencher une dynamique perceptible de progrès. Les électeurs l’ont averti lors des élections locales qui viennent de se tenir lui disant aussi qu’ils n’ont pas encore adhéré ou compris le PSE qu’il leur a proposé.
Le Plan Sénégal Emergent que les bailleurs ont soutenu est dans le fond un cadre de dépenses budgétaires à moyen terme. Dans la mesure où les perspectives macroéconomiques du Sénégal seront portées par un ajustement budgétaire qui doit s’opérer, l’état n’aura pas les moyens d’avoir un impact social significatif malgré son orientation socialiste (bourses familiales, couverture maladie universelle etc…). De ce fait, les sénégalais continueront de rechercher un leadership capable de changer leurs conditions de vie. Les autorités doivent donc saisir l’occasion de ce lendemain de scrutin pour bâtir un consensus autour de l’Axe III de la décentralisation et aboutir à des «Plans Locaux d’Emergence» portés par les nouveaux élus du pouvoir et de l’opposition et par les populations elles-mêmes. Ces plans locaux, élaborés localement, seraient harmonisés avec un PSE revu et adapté pour prendre la réalité politique en compte.
Dans le PSE, le gouvernement espère impulser une accélération des exportations à travers des interventions sectorielles directes dans l’économie et la redistribution de ressources pour soutenir la demande. Etant données les faibles performances du Sénégal à l’exportation et ceci malgré la dévaluation de 1994, une substitution efficiente des importations pour satisfaire les marchés urbains en croissance semble avoir plus de chances d’accélérer la croissance. De plus, les réformes structurelles qui constituent des goulots d’étranglement en termes de compétitivité et de productivité prendront du temps à identifier et à mettre en œuvre. De ce fait, le Sénégal devrait adopter un régime de change capable d’orienter la demande privée vers la production nationale plutôt que vers les importations. Dans un contexte institutionnel où le Sénégal ne peut tout seul dévaluer sa monnaie ou mettre en œuvre un régime de change flexible, il faut une alternative. C’est cette alternative que propose le CEFDEL, l’introduction d’une monnaie nationale complémentaire à un FCFA inchangé et capable de pallier ces difficultés et stimuler les économies des pôles régionaux.
En plus de la force de sa monnaie arrimée à l’euro, le Sénégal souffre d’autres faiblesses structurelles telles que le coût élevé de l’énergie et les mauvaises infrastructures de transports interrégionaux. L’urbanisation croissante et la concentration géographique de marché qui l’accompagne appelle à la concentration des interventions publiques pour des services urbains améliorés. Les investissements privés de petites et moyennes entreprises pour approvisionner un marché urbain proche pourraient ainsi pallier les insuffisances sur le plan des infrastructures de transports interrégionaux.
Une alliance des mairies des grandes villes du Sénégal, elles-mêmes épicentres de pôles régionaux, pour réaliser une souveraineté monétaire ou pour la mise en œuvre d’une innovation monétaire capable d’accompagner le développement autonome de leurs pôles régionaux est souhaitable. Ils pourront alors obtenir des résultats dans leurs localités, se faire concurrence sur ces résultats concrets, et avoir les arguments nécessaires pour demander aux sénégalais de leur confier le pays tout entier. Le Sénégal n’a actuellement pas besoin de politique politicienne mais d’un consensus sur ce qu’il y a à faire car l’état central n’a pas les moyens de sa politique puisqu’il est en phase d’ajustement budgétaire et ne peut soutenir les pôles régionaux. L’heure n’est donc pas à la mise en œuvre de stratégies pour conquérir le pouvoir central pour ne savoir quoi en faire et de décevoir encore une fois les sénégalais. L’heure est de faire des propositions concrètes acceptées de tous qui tiennent compte à la fois des réalités économiques incontestables et des objectifs que nous voulons atteindre en tant que Sénégalais.
Dr. Abdourahmane Sarr
Président CEFDEL/MRLD